Les Enfants Perdus de Michèle Jacob (2023)
Née le 27 mai 1981, Michèle Jacob est une cinéaste belge. Elle a décroché un Master en Réalisation à l’IAD en 2003 et a réalisé des clips musicaux, des publicités, des films web et des dessins animés avant de devenir scénariste et assistante en réalisation de films et de séries. En 2020, elle réalise son premier court métrage « Juillet 96 » qui sera sélectionné dans de nombreux Festival et remportera le prix du scénario au Festival « Le court en dit long » en 2021. « Les enfants perdus » est son premier long métrage.
Quatre enfants se réveillent dans une grande maison isolée au milieu des bois pour passer les vacances d’été. Leur papa est parti à l’aube. Au début, ils ne sont pas inquiets : ils entament une partie de cache-cache, mais Audrey (Iris Mirzabekiantz), 10 ans, entend des voix derrière le mur et est prise de panique. Son frère, Gilles (Louis Litt Magis) se moque de cette petite froussarde surnommée Miss Chocottes. Quand le soir tombe, les enfants comprennent que leur papa ne reviendra pas. Alex (Liocha Mirzabekiantz), l’aînée, endosse alors le rôle chef de famille. Le lendemain, les enfants décident de rentrer chez eux, mais ils réalisent que tous les chemins les ramènent systématiquement vers la grande maison. Ils s’organisent alors pour survivre dans cet environnement sinistre, peuplé de phénomènes mystérieux.
Les deux rôles féminins sont incarnés par les filles de la réalisatrice. Le film repose surtout sur Iris, qui fait passer énormément d’émotions par l’intensité de son regard. Sa grande sensibilité, perceptible dans son interprétation, est un atout majeur pour ce conte gothique. Pour créer une symbiose avec les 2 garçons, Gilles, l’ainé, et Yannick (Lohen van Houtte), jumeau d’Audrey dans le récit, Michèle Jacob a organisé de nombreuses soirées pyjamas avant le tournage. La sauce a bien pris : les 4 enfants semblent se connaître comme de véritables frères et sœurs.
Dans « Juillet 96 », Michèle Jacob explorait déjà les peurs des enfants et leur place dans le monde adulte. Elle approfondit ces deux thèmes dans « Les enfants perdus ». L’histoire de Peter Pan qu’elle a lue dans sa version originale à l’âge de 9 ans l’a toujours habitée. Elle pense qu’un monstre sommeille en chaque adulte. Ce monstre est la personnification des traumatismes de l’enfance.
Pour son film, elle a choisi la pire des blessures, celle de l’abandon : les enfants, qui ont déjà perdu leur maman, sont désormais délaissés par leur père. Ensemble, ils vont devoir affronter et apprivoiser cette douleur personnifiée par un monstre qui est inspiré de ceux de Hayao Myasaki. Avec beaucoup de sensibilité et de finesse, Michèle Jacob nous invite à retrouver notre âme d’enfant pour rencontrer notre monstre intérieur et mieux vivre avec lui ou malgré lui.
Ce film est à classer dans la rubrique Plus jamais ça parce que le choc émotionnel enfui dans l’inconscient d’Audrey est abominable. En effet, ce que l’inconscient d’Audrey a enfui dans ses rêves, où un grand monstre effrayant mais avec des allures de nounours revient systématiquement, c’est son papa en train de brutaliser sa maman. Le soir du drame, alors qu’elle était une toute petite fille, sa maman lui avait dit d’attendre dans la chambre et de ne surtout pas ouvrir la porte. Elle a entendu des voix, des cris, des bruits de coups, … et elle n’a jamais revu sa maman.
Voici ce que Michèle Jacob répond à une question sur les relations entre frères et sœurs : « (…) Pour moi, les relations familiales sont la chose la plus importante dans la vie. Pour le film, j’ai trouvé un sujet puissant à ajouter, qui est la violence contre
les femmes. Je pense que le plus gros traumatisme qu’on peut vivre, c’est quand on doit ouvrir les yeux sur ses parents. ».
En 2023, l'ONU publiait de nouveaux chiffres alarmants. La maison reste "l'endroit le plus dangereux" pour les femmes, 60% d'entre elles ayant été victimes de "leur conjoint ou d'autres membres de leur famille", relevait un rapport de l'Office viennois des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et de l'organisation new-yorkaise ONU femmes. Soit 140 chaque jour ou une toutes les 10 minutes.
Sur le continent américain et en Europe, les féminicides sont majoritairement perpétrées par le partenaire, tandis que dans le reste du monde ce sont des membres de la famille qui sont le plus souvent en cause.
A.C.
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